Agriculture

La carte comestible Falling fruit localise
la nourriture gratuite en ville



Ramasser les feuilles, fruits et fleurs comestibles dont regorgent les villes, c’est possible depuis 2013 grâce à l’association américaine Falling fruit. Leur idée ? Créer une carte collaborative pour répertorier les lieux où les citadins peuvent glaner, c’est-à-dire récolter de la nourriture gratuite.

falling fruit

Savez-vous où trouver des noisettes, des pommes ou des cerises gratuites près de chez vous ? La carte participative Falling fruit, littéralement « Les fruits qui tombent », répertorie les lieux de cueillette depuis 2013. Il vous suffit de vous rendre sur le site et de zoomer sur votre ville. Chacun peut contribuer à enrichir cette carte. Comment ? Nul besoin de créer un compte, il suffit d’ajouter une nouvelle source de glanage, avec le type de plante, la description, la localisation et votre nom. « Nous avons collecté une base de données qui contient actuellement 1 714 types différents d’aliments comestibles dans 1 191 056 endroits du monde », explique Ethan Welty, co-fondateur de Falling fruit. Rencontre avec ce glaneur professionnel.

ethan-oranges Ethan Welty, co-fondateur de Falling fruit

 

Comment vous est venue l’idée de créer la carte participative Falling fruit ?

Chez moi, à Boulder dans le Colorado, nous avions deux pommiers. Lorsque j’ai acheté un presse-pomme avec lequel j’ai fabriqué du cidre à partir des pommes ramassées, la ville m’est apparue comme une ressource, comme un lieu de récolte gratuit. En habitant en ville, nous perdons notre connexion avec l’origine de notre propre nourriture. J’ai voulu retrouver ce lien. Je réalisais un rapport au sein de la municipalité de Boulder. Mon accès aux données de localisation des arbres fruitiers m’a permis de calculer la quantité de nourriture que pouvait produire Boulder. Grâce à ces informations, j’ai pratiqué le glanage, la récupération de fruits mûrs. J’ai cueilli des cerises, j’en ai parlé autour de moi et finalement, j’ai rencontré Caleb Phillips, en glanant.

Chercheur en informatique, ses compétentes et nos intérêts communs pour une ville comestible ont été le point de départ de Falling fruit. Nous avons créé la carte participative en 2013 en seulement trois mois avec l’aide de Jeff Wanner, constructeur écologique. Créée à partir des bases de données des villes du monde entier, les citadins ont ensuite commencé à alimenter cette carte participative. Falling fruit est le résultat de chercheurs qui se sont mis au glanage et ont voulu populariser leur passe-temps, leur souci du gaspillage alimentaire. Notre objectif : que le plus grand nombre de personnes ait accès au glanage urbain.

Qui sont les contributeurs de cette carte participative ?

Les citadins du monde entier ont la possibilité de faire connaître les lieux de cueillette près de chez eux, en les intégrant à notre carte. La générosité des glaneurs alimente donc Falling fruit. Cette carte participative dépend également des données publiques. Beaucoup de métropoles et de villes proposent la localisation de tous leurs arbres. Nous avons ainsi collecté énormément d’informations dans le but d’arriver à une base de données qui contient actuellement 1 714 types d’aliments comestibles différents, la plupart végétaux, dans 1 191 056 endroits du monde. Tous ces lieux sont disponibles sur notre site dans un esprit d’open data, c’est-à-dire de libre accès et de réutilisation. Notre démarche : la puissance donnée aux utilisateurs.

Les internautes sont des collaborateurs qui agissent pour améliorer Falling fruit. La vérification des données de localisation est simple. Chacun peut changer les descriptions, les endroits et les espèces lorsqu’il repère une erreur. La confiance est au centre de notre approche. Les utilisateurs sont de réels acteurs qui agissent pour enrichir le site, en corrigeant d’éventuelles erreurs. Nous intervenons uniquement lorsqu’un endroit est sur le point d’être supprimé de la carte. Les glaneurs participent également en traduisant les noms des fruits, leurs descriptions. Douze bénévoles traduisent le site, disponible en sept langues différentes. L’un de nos prochains objectifs est de mettre en place l’automatisation de la traduction de toutes les données.

Falling fruit a connu un réel succès. Créé dans une petite ville du Colorado, le site est aujourd’hui international, comment expliquez-vous cette réussite ?

Le lancement du site intervient lors d’une augmentation mondiale de consommation de produits bio et souvent locaux. S’ajoute à cela, un retour à la terre, un besoin de contact avec la nature qui pousse les citadins à s’intéresser à l’origine des aliments. En plein mouvement de ville verte et de partage entre les humains, notre site a vu le jour. Nous avions constaté un réel manque pour les glaneurs, que nous avons tenté de combler. Notre réussite s’explique à la fois par ce vide et par le mouvement de freeganisme, gratuivorisme en français. Ce mouvement préconise un mode de vie alternatif qui comprend la consommation d’un maximum de denrées gratuites, et l’interaction avec les réseaux locaux d’entraide et de partage.

Jeff Wanner stands among the 500 pounds of apples (Malus domestica) he picked from neighborhood trees in a couple hours with Falling Fruit co-founder Ethan Welty in Boulder, Colorado on September 9, 2012. The duo pressed the apples into cider using Welty's apple press and fermented the juice into hard apple cider. http://fallingfruit.org/locations/3345 http://fallingfruit.org/locations/3448 http://fallingfruit.org/locations/3509 http://fallingfruit.org/locations/3510 http://fallingfruit.org/locations/3355
Falling fruit est lancé à Boulder, la ville où Jeff Wanner, co-fondateur de Falling fruit, récolte des dizaines de kilos de fruits © Ethan Welty

La ville a souvent la réputation d’être sale ou polluée. Quelles conséquences sur votre site ?

La mauvaise réputation de la ville est un obstacle social que Falling fruit surmonte pas à pas. Avec l’agriculture urbaine, l’aménagement de paysages comestibles, la recherche de nourriture urbaine de plus en plus populaire et l’accent sur l’alimentation locale, un regard positif des villes s’installe à grande vitesse. Les utilisateurs de notre carte évitent tout de même les lieux pollués : bordures d’autoroute et grands axes routiers. Il ne faut pas oublier que les produits toxiques sont rarement utilisés dans les villes. Les fruits sont alors essentiellement biologiques et donc plus sains que ceux achetés en grande surface.

Comment voyez-vous l’avenir de Falling fruit, quels sont vos projets ?

Nous essayons de perfectionner la carte par différents moyens, notamment par la diversification des aliments. Désormais, restes des marchés, magasins gratuits et poubelles des supermarchés sont répertoriés sur la carte. L’idée est de limiter tout gaspillage alimentaire. Une communauté située à San Francisco cherche à localiser non seulement les arbres fruitiers, mais ceux qui pourraient le devenir en y ajoutant des boutures. À Seattle et ailleurs, les plantes invasives sont répertoriées pour que les glaneurs les mangent. Le but est d’arriver à un contrôle de ces espèces. Nous estimons que tout le monde peut avoir un accès égal au résultat d’un effort collectif. D’ailleurs, nous soutenons les initiatives telles que Les fruits du voisin à Paris, un réseau d’échanges de fruits entre les habitants d’un même quartier parisien.

Nous souhaitons faciliter d’autres associations qui mettent en relation des propriétaires, des glaneurs et des dons caritatifs. Comment ? En ajoutant les arbres fruitiers des lieux de cueillette des associations. Actuellement, nous imaginons une façon d’informer au mois près le moment de cueillette de chaque plante. Un autre projet en cours concerne une carte supplémentaire visant à repérer les plantes préférées non pas des humains, mais des abeilles. Ces pollinisateurs disparaissent massivement de notre planète et donc la présence de fleurs, fruits et légumes est en danger. Connaître les régions où se situe ce type de plantes permettrait de replanter les fleurs ou de déplacer les ruches dans le but d’agir pour la survie des abeilles. Nos projets de développement sont nombreux à l’image de la puissance participative de nos contributeurs.

Prêter son jardin à un particulier, c’est aussi possible grâce aux sites d’annonces :


Propos recueillis par Jessica Robineau

© Kaizen, construire un autre monde… pas à pas


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Le 8 juin 2016
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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