Ces maires qui changent la France



Et si les villes, villages et leurs extensions (communautés de communes) étaient les lieux idéaux pour mettre en oeuvre des outils, des solutions qui offrent une qualité de vie aux citoyens, ouvrent des perspectives de « vivre ensemble » plus harmonieuses, tout en préservant le territoire ? Bref pour que le mot « politique » au sens de gestion de la cité reprenne tout son sens ? Et si les maires que vous allez élire étaient les premiers acteurs de la Transition ? Nous vous proposons un tour de France des villes, grandes ou petites, où élus et citoyens nous montrent des voies. À vous, en connaissance de cause, d’interpeller vos candidats !

L’intégralité du dossier, consacré à ces maires qui changent la France, à lire dans le magazine papier : Kaizen de mars – avril 2014.

K13 photo dossier web

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Rendre la ville a ses habitants : l’exemple de Plourin-les-Morlaix

1991. Pierre Barbier, maire de la petite commune de Plourin-les-Morlaix dans le Finistère, décide de doter sa commune d’une véritable mairie. En prenant cette décision, il va engager un processus qui amènera son village beaucoup plus loin qu’il ne l’imaginait.

Pierre Barbier est proviseur de lycée. En 1977 il est élu maire de la petite commune de Plourin qui compte près de 3000 habitants. En quelques années, Plourin est devenu une sorte de banlieue de Morlaix, une excroissance, dont le petit centre bourg est laissé à l’abandon. L’équipe municipale se penche alors sur l’aménagement de ce territoire délaissé. Il y fait plusieurs travaux d’intérêt général comme la construction d’une station d’épuration. Puis il s’intéresse à la mairie, petit bâtiment, peu pratique, trop petit pour accueillir les réunions du conseil municipal. Il lance un concours auquel répondent plusieurs cabinets d’architectes pour en élaborer un nouveau. Au delà d’une simple construction, l’intention de Pierre Barbier est de redonner sa centralité au bourg. De permettre aux habitants de se le réapproprier. Le bâtiment devant abriter la nouvelle mairie est un prétexte à le faire.

Philippe Madec est architecte, urbaniste et, comme son nom l’indique, breton, et installé à Paris. Il a présenté un dossier atypique. Comme les élus ne le savent pas encore, il est particulièrement attaché à la revivification des espaces ruraux (voir entretien). Il est arrivé en retard le matin du concours et a négocié de passer en dernier devant le jury. Une fois sa présentation faite, il part déambuler dans le village en espérant avoir réussi à faire passer sa vision.

A sa propre surprise, son projet est retenu par le conseil municipal, contre l’avis des architectes du jury, qui souhaitaient une architecture plus monumentale, plus visible. Son projet est plus modeste, ce qu’il appelle « une petite urbanité ». Les élus décident alors de confronter leur décision avec les habitants. Ils installent sous un barnum les différents projets et font voter les plourinois en leur demandant de répondre à plusieurs questions. A nouveau, c’est le projet de Philippe Madec qui est choisi.

Une mairie à dimension humaine

Pourquoi ce projet et pas un autre ? Sans doute parce que l’architecte n’a pas proposé de construire un bâtiment, mais d’aménager un territoire. Peut-être parce qu’il ne s’est pas attaché à en mettre plein la vue mais a souligné à quel point ce projet devait se faire avec tous et au service de tous. Sans doute parce qu’il n’a pas essayé d’appliquer des méthodes toutes faites, « parisiennes », mais s’est intéressé à la spécificité du lieu, des habitants, de la culture locale.

Ainsi, la nouvelle mairie va remplir plusieurs fonctions : d’abord elle va offrir un espace d’expression à la démocratie locale avec une vaste salle de conseil et de réunion permettant aux élus et aux plourinois de se réunir pour prendre les décisions qui les concernent. Ensuite, elle va abriter une médiathèque, lieu de vie, d’échange et de culture pour le petit bourg. La place, devant la mairie, va, elle aussi, être pensée pour redevenir ce lieu de rencontre, ce point névralgique où les conversations, les échanges informels entre élus et habitants peuvent se produire.

Afin de s’assurer que ces objectifs seront remplis, Pierre Barbier et Philippe Madec, consultent les habitants, à chaque étape du chantier. En organisant des réunions publiques (sur des thèmes précis, sur le projet en général…), mais surtout en discutant. En déambulant, ils croisent forcément des habitants dans leur jardin ou qui vont faire leurs courses. Ils les interrogent, leur demandent comment ils voient les choses. Les services techniques de la ville sont invités à expliquer comment ils travaillent et de quelle manière ils aimeraient que les aménagements soient réalisés. Les employés de la mairie à se prononcer sur les dessins de leurs bureaux. Et, petit à petit, l’intelligence collective du village s’exprime, trouvant des solutions simples, adaptées, partagées. Jusqu’à remettre en question les choix de l’architecte. Jugés trop tristes par les habitants, les herbes installées au pied du menhir de la place (elles fanent en hiver !) sont remplacées par les services techniques de la mairie par des roses pompon. Qui ne sont pas du goût de Philippe Madec. Le maire décide d’organiser une réunion publique où une quarantaine de personnes viennent participer à la nouvelle décision : installer des bruyères, une espèce locale qui restera belle toute l’année. L’architecte le reconnaît « c’était une idée bien meilleure et nous avons pu l’avoir grâce à cette interaction formidable entre la mairie, les habitants et nous. Et les bruyères sont toujours là…». Pendant la même réunion est décidé de donner à chaque habitant la petite partie de l’espace publique au pied de sa façade, afin de la fleurir.

La vie de retour en ville

En 1994 la nouvelle mairie-médiathèque est livrée et la transformation de l’espace public continue. L’ancienne mairie est transformée en poste, la porcherie en point d’information, le cimetière est aménagé. Les habitants commencent à se réapproprier ce lieu. Des commerces se réouvrent, des logements sont construits, la circulation augmente. « Une anecdote m’a été rapportée qui illustre bien le phénomène, raconte l’architecte. Un jour, une dame qui conduisait chaque mercredi sa fille à Morlaix retrouver ses amies, se voit donner un rendez-vous par son adolescente qui lui dit : « tu me retrouves à la ville à 16h. ». Et à 16h, au lieu d’aller à Morlaix, elle l’attendait au milieu du bourg ! ».

Afin de renforcer encore l’appropriation, Philippe Madec et son équipe ont l’idée d’ouvrir une trentaine de « portes » dans le petit centre (venelles, cours, chemins privés) qui permettent une circulation piétonne accrue et facilité. Le projet plaît tellement qu’il donnera lieu pendant plusieurs années à un jeu pour les élèves de CM2 : reconnaitre les 30 portes de Plourin. Depuis, une longue piste cyclable a été construite pour relier le bourg à Morlaix.

Le projet de Plourin a reçu de nombreux prix (et notamment le prix projet citoyen) qui étaient accueillis par les habitants comme de véritables marques de reconnaissance (et avec des fêtes !) : « C’est un exemple de réhabilitation, dans son sens littéraire : un retour en estime » résume Philippe Madec.

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Le 26 février 2014
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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VALAT Léliane le 04/03/2014 à 22:17

Bonjour,
J'ai lu avec attention cet article "ces maires qui changent la France", je me permettrai une question, bien que n'étant pas résidente de ce village, j'ose espérer que l'accessibilité a été envisagée pour TOUS ?
Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ma demande.
Bien cordialement