Agriculture

La permaculture grand format



La permaculture est une approche globale que l’on peut mettre en pratique à l’échelle d’un jardin, d’une maison, d’un hameau, mais qu’en est-il à une échelle beaucoup plus grande ? Nous avions déjà évoqué, dans le premier dossier de Kaizen consacré aux villes comestibles, la ferme urbaine de l’éco-quartier de Lanxmeer à Culemborg, petite ville de 27 000 âmes au sud d’Utrecht aux Pays-Bas. Ce quartier unique à plus d’un titre est justement le fruit d’une réflexion globale qui prend racine dans la permaculture.

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Dans l’éco-quartier de Lanxmeer, chaque îlot d’habitation a son identité propre, et l’ensemble forme un tout harmonieux

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Le projet a démarré en 1993, impulsé par la dynamique Marleen Kaptein. Cette dernière, après avoir travaillé dans l’accompagnement de projets d’habitat participatif puis dans une grande association de promotion de l’habitat écologique, s’est formée auprès de Declan Kennedy, architecte irlandais, ancien directeur de l’Institut européen de permaculture. Fraîchement certifiée en permaculture, Marleen prend les rênes du projet en se demandant comment extraire cette méthode de l’habitat individuel et la mettre en application à l’échelle du nouveau quartier situé sur un ensemble de 30 hectares où se trouve la zone de captage d’eau potable de la ville. La mairie avait tenu à ce qu’une grande attention soit portée à la réalisation et à l’utilisation du site pour préserver la nappe phréatique. Cette injonction est en fait une aubaine pour penser global : les eaux grises sont traitées par des plantes dans de nombreux bassins et les eaux noires (celles des WC) devaient servir à alimenter une unité de biogaz pour produire du chauffage et de l’électricité (projet récemment abandonné en raison de la crise économique). Les foyers sont équipés d’un double réseau d’eau : un robinet d’eau potable provenant du captage et un autre provenant des eaux grises traitées par les bassins. La boucle est bouclée, c’est le principe de gestion des matières entrantes et sortantes cher à la permaculture !

Du lien avec l’humain et la nature

Les réflexions sur le quartier ont duré six ans durant lesquels les futurs habitants se sont impliqués via des ateliers coordonnés par Marleen. Elle a ensuite fait appel à l’urbaniste allemand Joachim Eble, connu pour son inspiration anthroposophique (initiée par Rudolf Steiner), lui confiant le dessin d’un plan de masse organique. Ce plan a su préserver les écosystèmes existants et a permis par la même occasion une intégration plus rapide des nouvelles constructions : près de 250 logements (800 habitants), de nombreux bureaux, deux écoles et une ferme. Pensé pour favoriser à la fois le lien social et le contact avec la nature omniprésente, il se situe au cœur de la réflexion permaculturelle.

K8 D Culemborg

Lanxmeer est ainsi composé de plusieurs îlots comme des petites oasis qui ont chacun leur identité propre. On trouve néanmoins des caractéristiques communes à tous. D’abord un habitat économe en énergie et bioclimatique offrant une large part au solaire passif (orientation des appartements plein sud), complété par des panneaux solaires pour produire l’eau chaude sanitaire et parfois des panneaux photovoltaïques pour l’électricité. Une attention particulière, mais pas systématique, a été portée aux matériaux utilisés : bois, ouate de cellulose pour l’isolation, peintures écologiques, etc. Ces îlots sont envahis par une luxuriante végétation où la faune locale trouve refuge. Par endroits poussent des plantes aromatiques et médicinales, des petits fruits rouges, des fruitiers et des légumes en libre service ou non. Place aux enfants aussi avec de nombreux jeux (petites cascades, fontaines, constructions en bois rond, bacs à sable) et des aménagements collectifs : bancs, grandes tables, fours à pain… Suivant l’inspiration des habitants on trouve également des petits poulaillers ou des clapiers à lapins.

Bicyclettes et paniers bios

La place de la voiture est réduite au maximum même si les 0,7 places de parking par foyer ont du être légèrement revues à la hausse avec l’arrivée de nouveaux habitants moins enclins à se passer de leur véhicule. Toutefois peu de voitures circulent dans le quartier, elles sont autorisées à stationner devant la porte le temps de déposer courses ou affaires, puis sont garées dans les espaces périphériques prévus à cet effet. Le vélo demeure le moyen de transport le plus utilisé et la gare toute proche, avec une fréquence de trains très élevée, est plébiscitée.

Autour de ces îlots se trouvent des espaces publics eux aussi investis par la nature. La mairie laisse les habitants s’occuper des espaces verts en leur fournissant les outils.

Après ces espaces tampons arrivent des zones plus sauvages. Ici un grand verger de pommes qui devient à l’automne l’occasion de cueillette suivie d’une fête de la pomme, là un petit bois, et partout des zones humides avec des bassins reliés les uns aux autres. La faune et la flore sont les reines des lieux.

Au-delà de la départementale qui mène au centre de Culemborg se trouve la ferme bio du quartier, gérée par deux entreprises : maraîchage et petit élevage sur plus de 3 hectares. Toujours dans la vision de la permaculture, Marleen Kaptein désirait rendre le quartier le plus autonome possible d’un point de vue alimentaire. Aujourd’hui on y produit environ 250 paniers par semaine. La ferme est aussi un endroit de détente et de rencontres, d’éducation à l’environnement pour les écoles des environs, de préservation de la biodiversité grâce à une culture de variétés anciennes, d’insertion d’un public handicapé et d’implications des voisins-clients.

Lanxmeer est visité par des urbanistes, architectes et élus de nombreux pays depuis plusieurs années tant cette vision globale et ce lien humain-nature surprend à une telle échelle. Pour autant, peu d’entre eux savent qu’ils viennent d’entrer en contact avec ce qui est probablement la plus grande réalisation européenne issue de la permaculture.

 

Texte et photos : Yvan Saint-Jours

 

 

Extrait du dossier sur la permaculture de Kaizen 8.

 

Le 13 mai 2014
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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