Énergie et Politique

Loos-en-Gohelle, un exemple de reconversion écologique



Autoproduire son énergie en s’affranchissant des énergies fossiles : c’est à ce défi, parmi d’autres, que s’est attaqué Jean-François Caron, maire de Loos-en-Gohelle depuis 2001.

Loos-en-Gohelle, un exemple de reconversion écologique

Le premier élu de cette commune de 7000 habitants, partie prenante d’une communauté de communes de 250 000 habitants, est un militant écologiste de longue date. Avec son équipe municipale, il a engagé un projet multidimensionnel.

« La question n’est pas uniquement énergétique, elle porte aussi sur la conception d’un nouveau modèle de développement. On ne peut plus se contenter de corriger les choses à la marge. Cela nous oblige à être vraiment systémique dans notre action urbaine. Le système alimentaire, par exemple, fait tout à fait partie de la question énergétique, même si ce n’est pas évident de prime abord. »

Eco-construction et éco-réhabilitation

Le premier chantier a consisté à diminuer la consommation. Pour cela, la ville s’est concentrée sur l’habitat privé et public, gros poste de dépense énergétique (le chauffage représentait à lui seul 85 % de la consommation énergétique des foyers français en 2006 selon l’INSEE).

Depuis 1997, tous les appels d’offre sont établis sur le principe de l’éco-construction. Les performances énergétiques des bâtiments sont devenues de plus en plus importantes, à mesure que les normes elles-mêmes ont évolué. Aujourd’hui elles sont de 45khW/m² et par an (contre 240 kWh/m² et par an en moyenne en France). Ainsi, l’ensemble des bâtiments publics et des logements sociaux (comme les résidences Chico Mendes, Chênelet, VillAvenir ou Cité des Oiseaux) construits depuis 15 ans ont bénéficié de ce programme. Résultat, l’un des habitants est venu voir le maire, sa facture d’électricité en main : lui et sa famille, locataires dans un T4 de la résidence Chênelet, avaient dépensé seulement 197 euros dans l’année pour leur chauffage…

L’effort de réduction de la consommation dans les bâtiments publics (notamment la mairie et deux écoles) par l’isolation et l’installation de chaudières à condensation a permis une baisse globale sur 3 ans équivalant à la consommation de 142 ménages.

Du côté de la rénovation thermique, deux importants programmes ont été engagés en 2014 sur un quartier entier de la ville.

Parallèlement, la baisse de l’éclairage public et l’utilisation d’horloges astronomiques ont, là aussi, fait baisser de 20 % la consommation ; l’équipe municipale envisage de la diminuer d’encore 25 %. L’utilisation de véhicules GNV au gaz naturel (43% du parc de la mairie) et de vélos électriques a de son côté réduit quelque peu la dépendance au pétrole de la collectivité.

Développement des énergies renouvelables

Parallèlement aux économies d’énergie, Loos en Gohelle développe pas à pas des sources d’énergies renouvelables. La réalisation la plus emblématique en la matière (et la plus visible !) est sans aucun doute la couverture du toit de l’église par des panneaux photovoltaïques. Une initiative culottée qui continue à interroger les délégations visitant la commune. Et à amuser le maire.

« Ce qui les préoccupe, c’est la réaction qu’ont eu les fidèles, plus encore que les difficultés structurelles. Mais quand je leur raconte que l’évêque m’a écrit pour me dire à quel point il est heureux, parce que tout cela participe de l’évolution du rapport au monde des catholiques, ils repartent avec une opinion encore plus positive du projet. »

Les toits de l’église produisent aujourd’hui de quoi alimenter 12 foyers en électricité. De son côté, la centrale solaire LumiWatt à l’extérieur de la ville génère l’équivalent de la consommation électrique de 24 ménages.

Des chaufferies à bois ont été installées dans plusieurs écoles et un programme d’aide financière a été mis en place (crédits d’impôts, baisse de la TVA, rachat d’électricté…) pour que les particuliers s’équipent en panneaux solaires thermiques (pour l’eau chaude) et photovoltaïques (pour l’électricité). 31 foyers sont devenus autonomes en électricité par ce biais.

Aujourd’hui, la commune souhaite installer dans la plaine un parc éolien (6 éoliennes de 50 mètres de hauteur de mât, produisant 9 000 000 de kWh/an), qui lui permettrait de produire 100 % de son électricité – et même d’être excédentaire. « Pour le moment nous sommes bloqués par le classement du bassin au patrimoine mondial de l’humanité. Mais nous comptons bien trouver une solution » assure Jean-François Caron.

Mobilisation de la population

« C’est en partant des préoccupations et des besoins des gens qu’on peut avoir une chance d’y arriver. Si je commence à parler de réchauffement climatique, on va se retrouver à quatre dans la salle avec mes trois copains spécialistes du sujet. Alors que si nous parlons des économies que l’on peut faire sur le chauffage, cela fait tout de suite mouche. Surtout dans une population dont une bonne partie vit avec le SMIC. »

Pour aider à cette implication du plus grand nombre, la ville a engagé un travail sur l’empreinte écologique afin que chaque habitant mesure l’impact de son mode de vie. Un  petit quatre-pages sur la transition énergétique a été diffusé à toute la population, des réunions publiques sont organisées, des programmes proposés dans les écoles ainsi que des sessions avec la communauté paroissiale et des formations pour les salariés des services techniques.

Et lorsqu’on lui demande si cela fonctionne, Jean-François Caron est mesuré.

« C’est encore difficile et je ne peux pas dire que tout le monde participe. Ceci dit, la liste a été reconduite avec 82% des voix aux dernières élections : j’en conclus que notre démarche est soutenue… ».

« Nous le faisons pour les autres »

À lire cet inventaire à la Prévert, on peut raisonnablement demander pourquoi l’initiative n’est pas plus répandue et ce qu’on pourrait faire pour que davantage de maires s’y résolvent.

À cette question, Jean-François Caron répond avec la même intensité.

« Faire tout ça, c’est une lutte contre la pensée unique et c’est assez dur. On se heurte à des habitudes. Le maire doit être un animal à sang froid. Il faut de l’envie pour prendre des risques, de la conviction. C’est le militantisme qui donne l’énergie de la transformation. C’est sûr, nous essuyons les plâtres et parfois nous échouons, mais nous le faisons pour que les autres puissent s’inspirer de ce que nous avons réalisé et avoir des solutions clés en main. Et puis, jamais je ne lance une innovation sans avoir consulté une équipe technique et d’experts (ADEME, etc.). Donc on se donne les meilleures conditions possibles et cela finit par marcher. Ici, nous avons 15 à 20 ans de recul sur notre action. Nous ne sommes pas simplement dans le déclaratif, nous avons des résultats chiffrés à partager. »

 

Extrait du dossier Ces maires qui changent la France de Kaizen 14.


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Le 8 octobre 2015
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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Soirée débat sur la démocratie participative - L'Assos'REGAL le 04/02/2019 à 21:20

[…] Nous pouvons citer par exemple quelques villes françaises (Saillans, Kingersheim, Grenoble, Loos-en-Gohelle…) qui expérimentent cette démarche. La soirée débutera par des échanges sur le […]

Ponaire le 12/02/2016 à 01:56

Tous ces documentaires pourraient redonner envie et courage à tous ceux qui baissent les bras et ne pensent pas possible la sortie de la matrice.
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