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vendredi 13 décembre 2024
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La Fresque du Climat : jouer pour comprendre

La Fresque du Climat est un outil ludique créé en 2015 par Cédric Ringenbach, consultant indépendant en changement climatique. But de ce jeu de cartes et des ateliers participatifs et créatifs associés : relier causes et conséquences du dérèglement climatique en faisant appel à l’intelligence collective.

« Avant de commencer à jouer à La Fresque du Climat, est-ce que chacun pourrait préciser quel est son niveau de connaissance en matière de dérèglement climatique ? », demande Charles Sirot, animateur. « Nous, on ne sait rien du tout », répond Fatimah, entourée de ses deux filles de 8 et 9 ans. « Moi, je suis au courant des grands principes. Si je me suis inscrit, c’est parce que je suis très anxieux face aux prévisions des climatologues », confie Pierre. « De mon côté, je connais bien le sujet, car je suis chercheur spécialiste des océans. Ce que j’attends de cet atelier, c’est d’apprendre à faire de la vulgarisation scientifique pour pouvoir m’adresser au grand public », raconte Mustapha. Après ce tour de table hétéroclite, l’animateur expose la règle du jeu : « La Fresque du climat se compose de quarante-deux cartes qui permettent d’appréhender, de façon ludique, le complexe rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). C’est la seule et unique source d’information. Il s’agit donc de faits scientifiques. Le but du jeu est de relier les causes et les conséquences du dérèglement climatique en faisant appel à l’intelligence collective. Et, à la fin, de cocréer une fresque. »

Réunis autour du poêle à granulés de la Maison de l’écologie 1, à Saint-Denis (93), les dix participants se lèvent pour se répartir en trois groupes. Charles Sirot leur distribue un premier lot de cartes. Au verso est imprimé un titre au-dessus d’un graphique ou d’une photo. Au recto figure une explication à la fois pédagogique et synthétique. Chaque lecture, à voix haute, déclenche des discussions entre les joueurs. Ensemble, ils associent au fur et à mesure les cartes entre elles, en traçant des flèches sur une grande feuille de papier qui recouvre une table. L’animateur passe entre les groupes pour répondre aux interrogations qui surgissent : « Je n’ai pas compris pourquoi la fonte de la banquise n’entraînait pas une hausse du niveau des océans », demande une participante. L’animateur prend alors « l’image du glaçon qui fond dans un verre d’eau, sans le faire déborder ». « Ça fonctionne aussi avec le pastis ? », intervient en riant un autre. Grâce à cette approche systémique de la question climatique, chacun prend conscience à quel point tout est lié. Les activités humaines (industrie, agriculture, bâtiment et transport) entraînent ainsi une augmentation des gaz à effet de serre qui a pour conséquences la hausse des températures et son cortège funeste : effondrement de la biodiversité, raréfaction des ressources en eau douce, submersion du littoral, inondations, sécheresses, incendies, etc. Et, in fine, des conflits armés, des maladies et des réfugiés climatiques. La dernière carte abattue, l’une des participantes constate : « On commence par l’homme et on termine avec lui. » En écho, Mustapha observe : « On est tous des déplacés climatiques potentiels, c’est pour cette raison qu’il va falloir se serrer les coudes. »

La deuxième étape du jeu consiste, pour chaque groupe, à s’approprier sa fresque en l’illustrant de dessins, à l’aide de feutres de couleur, et à trouver un titre. Troisième phase, celle de la restitution. Les participants présentent, à tour de rôle, leur œuvre. Ouneyssa et Soumaya, les filles de Fatimah, qui ont joué avec leur maman à la version junior, destinée aux enfants à partir de 8 ans, interviennent timidement. Leur fresque, intitulée Le climat dépend de nous est magnifiée par de multiples dessins de toutes les couleurs qui contrastent avec la noirceur des messages : « Là, c’est la Terre qui n’est pas contente à cause des gaz à effet de serre qu’on produit pour avoir de l’énergie. Et là, c’est un ours polaire qui crie qu’il a perdu sa maison. On a dessiné plein d’autres animaux pour montrer qu’ils doivent fuir à cause de la sécheresse ou des inondations. » Les deux autres fresques ont pour titre ces slogans porteurs d’espoir : « On est plus chaud que le climat » et « Il est encore temps ». L’atelier se poursuit par un débrief. L’occasion de mettre en partage ses émotions. Mathieu prend la parole : « Je mettrais le mot “force” sur l’émotion que je ressens parce que, si je suis effrayé par tout ce que je viens d’apprendre, je me dis qu’après avoir passé trois heures à échanger de façon si constructive sur les causes et les conséquences du climat, on peut trouver, de la même manière, des solutions pour y faire face. » Comme le remarque Charles Sirot, « justement, chaque Fresque du Climat se conclut par la mise en avant de solutions pour diminuer notre empreinte climatique. » Les idées fusent : « On pourrait réduire sa consommation de viande ; ne plus voyager en avion ; mieux isoler son habitat ; manger local, bio et de saison ; privilégier les achats en vrac, etc. » Au milieu de ce déferlement d’idées, une petite voix s’élève, celle d’Ouneyssa : « Il faudrait arrêter de construire des maisons en pétrole ! »

Séance de jeu « la fresque du climat » au Quai des Possibles à Saint Germain en Laye. La fresque est accrochée au mu, afin de pouvoir en parler aux personnes fréquentant le lieu.

Plus de trente mille participants en France

La genèse de ce jeu remonte à 2015. Le créateur de La Fresque du Climat, Cédric Ringenbach, se souvient : « En 2008, j’étais en vacances sur une île au large de Bali, qui était notamment dépendante du continent pour l’eau potable. J’ai alors fait l’expérience très concrète de la limite des ressources naturelles. À mon retour en France, j’ai décidé de m’investir professionnellement sur la question du climat que je connaissais un peu pour avoir parcouru, par curiosité, le site de vulgarisation sur les questions d’énergie et de changement climatique de l’ingénieur consultant Jean-Marc Jancovici, https://jancovici.com. » Consultant en gestion de projets informatiques, Cédric démissionne, réduit son train de vie et ses émissions de gaz à effet de serre, se plonge dans la lecture du quatrième rapport du GIEC paru en 2007 et dirige, de 2010 à 2016, le Shift Project 2, le laboratoire d’idées fondé par Jean-Marc Jancovici qui s’est donné pour objectif l’atténuation du changement climatique et la réduction de la dépendance de l’économie aux énergies fossiles. « En parallèle à mon travail de directeur, précise Cédric Ringenbach, je donnais des cours sur les problématiques énergie-climat à Centrale, Sciences Po, HEC, etc. Comme je suis quelqu’un de visuel, j’ai pensé, en 2015, créer un exercice consistant à mettre des flèches entre les graphiques pour relier les causes et les conséquences du dérèglement climatique. » La Fresque du Climat était née !

Trois ans plus tard, invité à intervenir devant neuf cents étudiants du groupe Léonard de Vinci, à Paris-La Défense, il forme trente personnes pour animer son jeu pédagogique et crée, dans la foulée, une association pour le diffuser au plus grand nombre. Au 1er mars 2020, La Fresque du Climat rassemblait environ 1800 animateurs, 40 formateurs et 30 000 personnes avaient participé, à travers la France, à cet atelier. En parallèle à cet engagement associatif qui vise à mobiliser la société civile autour de la transition écologique, Cédric Ringenbach utilise son jeu, lors de ses missions de consultant indépendant en changement climatique, auprès des entreprises : « J’ai animé des Fresques du Climat dans le secteur bancaire, l’industrie du luxe, ou encore chez des cimentiers, en faisant jouer les salariés comme les patrons. L’idée va bien au-delà de troquer des gobelets en plastique par des tasses. Il s’agit d’amener ces participants à remettre en question leur activité même. Pour changer d’échelle. Et ça marche ! » Comment explique-t-il un tel succès ? « Le jeu s’adresse au cerveau puisque l’on réfléchit, en groupe, pour comprendre les enjeux du dérèglement climatique : on ne fait pas que recevoir une information, on la questionne, ensemble. On a aussi recours aux émotions. Enfin, on invite les participants à agir pour réduire leur empreinte carbone en partageant des solutions. La Fresque du Climat, c’est toute une alchimie qui permet ainsi de relier la tête, le cœur et les jambes ! »

  1. Cette structure municipale est destinée à sensibiliser le grand public et les scolaires à la préservation de l’environnement.
  2. https://theshiftproject.org/

Pour aller plus loin

La Fresque du climat 

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