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dimanche 15 juin 2025
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Le théâtre comme outil de justice sociale

Ils montent sur scène pour faire tomber les murs. Pas ceux des décors, mais ceux que l’on porte en soi : colère, silence, préjugés, impuissance. À travers la pratique du théâtre-forum, du théâtre de l’opprimé ou du théâtre participatif, des collectifs inventent une scène qui transforme, qui forme à l’empathie, qui éclaire les conflits, qui rend audible l’invisible. Ce théâtre-là n’est pas un spectacle. C’est une expérience politique. Vivante. Profondément humaine.

Quand le public devient acteur

“Dans une salle de théâtre-forum, personne ne reste spectateur bien longtemps.”
C’est la règle du jeu : une scène est jouée, puis interrompue au moment du conflit, de l’impasse, de l’injustice. On invite alors le public à monter sur scène pour rejouer l’histoire, proposer des alternatives, incarner des solutions, vivre le réel autrement.

Née dans les années 1970 au Brésil avec Augusto Boal, cette pratique est aujourd’hui portée en France par des compagnies comme NAJE (Nous n’Abandonnerons Jamais l’Espoir), Entrées de Jeu, Théâtre du Fil ou encore La Tribu Hérisson. Elles interviennent dans des écoles, des prisons, des quartiers, des institutions. Leurs publics : des collégiens, des détenus, des éducateurs, des élus, des soignants.

Théâtre du réel : raconter pour libérer

« Je suis venue jouer ma propre histoire. Et pour la première fois, on m’a écoutée jusqu’au bout. »
C’est ce que confie Nadira, habitante d’un quartier populaire de Grenoble, après avoir participé à une création de théâtre-forum sur les violences institutionnelles.

Pour beaucoup, ce type de théâtre agit comme un sas de parole. Il permet d’oser dire ce qui ne se dit pas, dans un cadre protégé. Le jeu devient un prétexte à parler de racisme, de sexisme, de harcèlement, de domination sociale — mais sans s’exposer directement. La fiction comme bouclier, mais aussi comme révélateur.

Une pédagogie de l’empathie

Au-delà du débat, ces formes de théâtre développent des compétences relationnelles rares : capacité à écouter, à se mettre à la place de l’autre, à comprendre les mécanismes systémiques d’un conflit.

Dans un monde polarisé, cette pratique devient un véritable outil d’intelligence collective. Elle réhabilite la nuance, la complexité, l’expérience sensible.

Co-construire du politique autrement

Certaines collectivités locales vont plus loin. Elles font appel à des compagnies pour animer des ateliers de théâtre participatif dans le cadre de budgets citoyens, de projets de réaménagement urbain, ou de médiation de terrain.

À Lille, par exemple, la compagnie L’Oiseau-Mouche a mis en scène les dilemmes d’un projet de réhabilitation de quartier. À Lyon, un théâtre municipal a ouvert ses portes à des jeunes en service civique pour coécrire une pièce sur le harcèlement scolaire, jouée devant des élus.

Dans ces démarches, le théâtre ne se contente plus d’illustrer le réel : il devient un outil pour le transformer collectivement.

Conclusion

Faire théâtre, ici, c’est faire lien. C’est faire soin. C’est faire politique.
Pas dans les institutions, mais dans les corps, dans les rues, dans les regards croisés entre celles et ceux qui, autrement, ne se seraient jamais parlé.

Ces scènes qui naissent dans les gymnases, les foyers, les salles de quartier nous rappellent que chacun a une voix. Et que parfois, il suffit d’un rideau levé pour réapprendre à l’écouter.

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