Et si on réapprenait à cuisiner les plantes sauvages comestibles ?
Cueillir ce que la terre nous offre, gratuitement, simplement, localement : longtemps reléguée à la survie ou à la marginalité, l’alimentation sauvage revient aujourd’hui sur nos tables comme un acte de conscience. Réapprendre à reconnaître, ramasser et cuisiner les plantes comestibles qui nous entourent, c’est renouer avec une forme d’autonomie alimentaire, mais aussi avec le rythme du vivant, la biodiversité et une certaine joie du geste juste. Ortie, pissenlit, plantain, égopode, achillée… Ces “mauvaises herbes” sont peut-être nos meilleures alliées nutritionnelles.
Manger les plantes sauvages : un savoir ancestral à redécouvrir
Jusqu’au XIXe siècle, la cueillette sauvage faisait partie intégrante de l’alimentation populaire. Ortie dans la soupe, pissenlit en salade, mauve dans la tisane : chaque territoire possédait ses usages, ses saisons, ses traditions. Puis l’industrialisation alimentaire, la sédentarisation et la perte de lien au sol ont relégué ces pratiques dans l’oubli.
Aujourd’hui, ce savoir revient par les herboristes, les chefs locavores, les botanistes ou les cueilleurs du dimanche. On y voit un geste écologique, économique, mais aussi politique : reprendre du pouvoir sur son alimentation et se reconnecter au vivant.
Des bombes nutritionnelles à portée de main
Les plantes sauvages comestibles sont plus riches en nutriments que la plupart des légumes cultivés, selon des études menées par le Dr Thierry Thévenin (syndicat des SIMPLES) et le CRBA (Centre de ressources botaniques d’Auvergne).
Plante | Vitamines et minéraux | Bienfaits |
---|---|---|
Ortie | Fer, calcium, magnésium, protéines végétales | Tonique, reminéralisante |
Pissenlit | Vitamines A, B, C, E, potassium | Dépurative, digestive |
Plantain | Mucilages, tanins, vitamine C | Apaisante, anti-inflammatoire |
Ail des ours | Soufre, antioxydants | Antiseptique, dépuratif |
Achillée | Flavonoïdes, tanins | Digestive, circulatoire |
Ces plantes ont une densité nutritionnelle exceptionnelle, souvent supérieure à leurs équivalents de supermarché. Et elles poussent… sans engrais, sans transport, sans emballage.
Quelques plantes faciles à reconnaître et cuisiner
1. L’ortie (Urtica dioica)

À ramasser avec des gants, dans des zones propres. Se cuisine en soupe, pesto, cake, risotto.
Riche en fer, protéines, minéraux.
2. Le pissenlit (Taraxacum officinale)

Feuilles jeunes en salade, boutons floraux lactofermentés ou poêlés comme des câpres.
Excellent pour le foie.
3. Le plantain (Plantago major ou lanceolata)

Feuilles crues ou cuites, en galettes, en potages.
Apaise la toux et les inflammations digestives.
4. L’ail des ours (Allium ursinum)

Feuilles fraîches en pesto, hachées dans une omelette, en beurre parfumé.
Puissant antibactérien, riche en soufre.
5. L’égopode podagraire (Aegopodium podagraria)

Goût d’épinard persillé, parfait en quiche, gratin ou poêlée.
Revigorant et riche en chlorophylle.
Précautions essentielles
Avant de cueillir, on observe quelques règles de base pour préserver sa santé et les écosystèmes :
Précaution | Pourquoi |
---|---|
Bien identifier la plante | Certaines plantes toxiques ressemblent à des comestibles (ex : colchique et ail des ours) |
Prélever dans des zones non polluées | Éviter routes, champs traités, lisières douteuses |
Respecter la plante et son habitat | Ne jamais arracher la racine, cueillir 1/5 maximum |
Se former | Livres, stages, sorties botaniques avec un·e spécialiste |
Recettes simples de saison
Pesto d’ail des ours
- 2 poignées de feuilles fraîches d’ail des ours
- 50 g de noix ou graines de tournesol
- 50 g de fromage râpé (ou levure maltée)
- 8 cl d’huile d’olive
- Sel, poivre
→ Mixer le tout. Se conserve une semaine au frigo.
Soupe ortie-pomme de terre
- 1 oignon, 2 pommes de terre, 2 poignées d’orties jeunes
- 1 L d’eau, sel, poivre, muscade
→ Faire revenir l’oignon, cuire avec pommes de terre, ajouter les orties en fin de cuisson, mixer.
Salade de pissenlit, œuf mollet et noix

Ingrédients (pour 2 personnes)
- 2 belles poignées de feuilles de pissenlit fraîches (jeunes pousses de préférence)
- 2 œufs
- 1 petite échalote
- 1 poignée de cerneaux de noix
- 1 cuillère à café de moutarde douce
- 1 cuillère à soupe de vinaigre de cidre
- 2 cuillères à soupe d’huile de noix (ou d’olive)
- Sel, poivre
- (Facultatif) quelques copeaux de fromage de brebis ou parmesan
Préparation
Dresser les assiettes : répartir les feuilles de pissenlit, arroser de vinaigrette, parsemer de noix, poser l’œuf mollet coupé en deux. Ajouter des copeaux de fromage si désiré.
Cueillir et laver soigneusement les feuilles de pissenlit. Équeuter si besoin, surtout si les feuilles sont grandes. Essorer délicatement.
Faire chauffer de l’eau dans une casserole. Quand elle frémit, plonger les œufs pendant 6 minutes pour obtenir un œuf mollet. Les passer immédiatement sous l’eau froide et les écaler délicatement.
Dans un petit bol, préparer la vinaigrette : mélanger la moutarde, le vinaigre, l’huile, le sel et le poivre. Ajouter l’échalote finement hachée.
Torréfier les noix à sec dans une poêle (2 minutes à feu doux), pour relever leur goût.
Témoignages
“C’est mon moment préféré de la semaine : aller cueillir dans le petit bois derrière chez moi. Je n’achète presque plus de salades.”
— Stéphane, 39 ans, père de famille
“Mes enfants ont appris à reconnaître 5 plantes à la maison. C’est un vrai jeu pour eux, et ça les connecte à la nature.”
— Karima, 42 ans, enseignante
“Je cuisine plus lentement, mais avec plus de gratitude. Je sens que je me nourris autrement.”
— Anne-Lise, 57 ans, thérapeute
Une écologie dans l’assiette
Se nourrir de plantes sauvages, c’est réapprendre à regarder autour de soi, à connaître la terre qui nous porte, à faire avec ce qu’elle donne. C’est une écologie alimentaire, qui n’a rien de marginal : elle est locale, résiliente, gratuite, profondément vivante.
Et si on (re)commençait par une feuille d’ortie ?