Réforme du DPE : 850 000 passoires thermiques en moins, mais à quel prix pour la transition écologique ?
Une modification du mode de calcul du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), annoncée par le gouvernement pour janvier 2026, pourrait faire sortir 850 000 logements du statut de “passoire thermique”. Si cette mesure semble répondre à une préoccupation sociale et économique, elle soulève d’importantes questions sur sa cohérence avec les objectifs climatiques.
Une réforme technique aux impacts considérables
Le DPE est devenu un indicateur central pour qualifier la performance énergétique d’un logement. Il conditionne aujourd’hui l’accès à la location, la valorisation du bien, et même certaines aides à la rénovation. Depuis la loi Climat et Résilience, les logements classés F et G – dits « passoires thermiques » – sont progressivement exclus du marché locatif. Cette interdiction, déjà en vigueur pour les logements G depuis 2023, s’étendra aux logements F dès 2028.
Dans ce contexte, le gouvernement a annoncé une réforme du DPE. Le principal changement concerne le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire, qui passera de 2,3 à 1,9. Ce coefficient reflète la quantité d’énergie primaire mobilisée pour produire une unité d’énergie finale consommée dans le logement. En abaissant ce coefficient, la réforme rend les logements chauffés à l’électricité plus performants sur le papier.
850 000 logements reclassés sans travaux
Selon les estimations du ministère de la Transition écologique, près de 850 000 logements aujourd’hui classés en F ou G pourraient remonter en E ou mieux, uniquement grâce à cette évolution méthodologique. Il s’agit en majorité de petites surfaces urbaines, souvent chauffées à l’électricité via des convecteurs.
En pratique, ces logements échapperaient aux interdictions prochaines de mise en location. Pour les propriétaires, cela représente une valorisation immédiate du bien et une réduction des obligations de travaux. Pour le gouvernement, c’est un soulagement partiel face aux tensions croissantes du marché locatif.
Mais cette évolution pourrait aussi freiner la dynamique de rénovation énergétique. En améliorant artificiellement les notes DPE, elle pourrait réduire l’incitation à isoler ou moderniser les équipements.
Entre soulagement économique et ambiguïté écologique
Du côté des bailleurs, cette réforme est bien accueillie. Elle allège une pression réglementaire considérée comme difficile à tenir, notamment pour les ménages modestes ou les propriétaires de biens anciens. Elle permet également de reconnaître la spécificité du mix électrique français, dont les émissions de CO₂ sont faibles grâce à l’énergie nucléaire.
Du côté des associations écologistes et des professionnels de la rénovation, le message envoyé est beaucoup plus préoccupant. Le risque est de brouiller la lisibilité des priorités. Des logements mal isolés resteront inconfortables et coûteux à chauffer, même si leur DPE s’améliore sur le papier. La classification énergétique risque ainsi de perdre en crédibilité et en effet levier pour accélérer la transition.
Plusieurs experts alertent sur le fait que cette réforme pourrait réduire la dynamique de rénovation engagée depuis 2021. Les aides publiques, le repérage des logements prioritaires et la mobilisation des acteurs du bâtiment reposent largement sur le DPE. Modifier les seuils de manière favorable revient à relâcher la pression au moment où les enjeux climatiques exigent l’inverse.
Un calendrier rapide
L’annonce de cette réforme a eu lieu le 9 juillet 2025. Le gouvernement prévoit une publication de l’arrêté d’application à l’automne 2025, après une phase de consultation publique. L’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2026. Tous les logements concernés verront leur DPE automatiquement réévalué s’ils sont chauffés à l’électricité.
Il est important de noter que cette réforme ne concerne pas les logements chauffés au gaz ou au fioul, qui conservent un coefficient inchangé. Cela introduit de fait une hiérarchie entre les sources d’énergie dans l’évaluation réglementaire, ce qui pose la question de l’équité des traitements.
Enjeux pour les citoyens et pistes d’action
Si la réforme améliore la note DPE de certains logements, elle ne change rien à la réalité physique des bâtiments. Un logement mal isolé, même classé E, reste inconfortable et énergivore. Les factures élevées, les pertes thermiques et l’empreinte carbone restent des problèmes réels.
Pour les propriétaires, il reste pertinent de poursuivre les efforts d’amélioration du bâti : isolation thermique, ventilation performante, remplacement des radiateurs anciens. Pour les locataires, il est essentiel de s’informer sur les performances réelles du logement, au-delà de la simple lettre du DPE.
La rénovation énergétique reste l’un des leviers majeurs de la lutte contre le changement climatique. Le classement réglementaire ne doit pas occulter les besoins de confort, de sobriété et de justice énergétique. Cette réforme montre, une fois encore, que les transitions écologiques se jouent aussi dans les détails des textes techniques.
À retenir
– Le DPE est modifié à partir de janvier 2026 : l’électricité est revalorisée dans son calcul.
– 850 000 logements, principalement chauffés à l’électricité, sortiront des classes F ou G.
– Cette évolution soulage certains propriétaires, mais pourrait ralentir la rénovation énergétique.
– Le signal politique donné est ambigu : on adoucit une norme en pleine crise climatique.
– Seule une rénovation concrète permet d’améliorer le confort et de réduire durablement les consommations.