Coopératives, mutuelles, associations, entreprises sociales… Derrière ces formes juridiques parfois méconnues se dessine une autre manière de produire, d’employer et de créer de la valeur. Une économie où l’humain passe avant le profit, où les décisions se prennent collectivement, et où l’impact social est aussi important que les résultats financiers. L’économie sociale et solidaire n’est pas une utopie marginale : c’est un levier puissant pour transformer la société de l’intérieur.
En France, on compte plus de 200 000 structures relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS). Elles emploient près de 2,6 millions de personnes, soit 10 % des salariés. Loin des clichés d’un modèle alternatif réservé aux associations caritatives, l’ESS représente aujourd’hui un pan entier de notre économie, qui touche l’assurance, l’agriculture, la culture, les services à la personne, le logement, l’alimentation, ou encore la finance.
Mais qu’est-ce qui distingue l’ESS de l’économie “classique” ?
C’est avant tout une logique : celle de l’utilité sociale avant la recherche de profit. Cela signifie que l’objectif principal d’une structure n’est pas de maximiser ses dividendes, mais de répondre à un besoin social, environnemental ou territorial. Cela peut prendre la forme d’un café associatif, d’une banque éthique, d’une entreprise d’insertion, ou d’une coopérative citoyenne d’énergie.
Autre principe fondateur : la gouvernance démocratique. Dans une structure de l’ESS, le pouvoir n’est pas concentré entre les mains d’actionnaires extérieurs. Les décisions sont prises collectivement, souvent selon le principe “une personne = une voix”, quelle que soit la part de capital détenue. Cela favorise l’implication des salarié·es, des usager·es ou des sociétaires dans les orientations stratégiques.
L’ESS s’inscrit aussi dans une gestion responsable des ressources : bénéfices réinvestis dans le projet, transparence financière, liens de proximité avec les territoires, limitation de l’écart des salaires. Elle propose une autre manière d’entreprendre : plus résiliente, plus humaine, plus inclusive.
Concrètement, l’économie sociale et solidaire crée de l’emploi là où l’économie classique se retire : quartiers prioritaires, zones rurales, publics éloignés de l’emploi, activités non rentables à court terme. Dans une époque marquée par les fractures économiques, sociales et écologiques, elle représente un outil de régénération du tissu local.
Et pour celles et ceux qui cherchent du sens dans leur travail, l’ESS offre une porte d’entrée précieuse. Les métiers y sont nombreux : coordinateur·ice de projet, gestionnaire de structure, communicant·e solidaire, conseiller·e en finances éthiques, animateur·rice d’épicerie coopérative… Il ne s’agit pas de travailler “à côté” de l’économie, mais dans une économie qui assume sa vocation sociale.
Cela dit, tout n’est pas rose. L’ESS doit faire face à des défis de taille : financement fragile, reconnaissance institutionnelle inégale, tension entre éthique et efficacité, complexité des statuts… Et certaines dérives de “social washing” montrent que les valeurs doivent rester incarnées, pas seulement affichées.
Mais là où d’autres attendent un changement venu d’en haut, l’ESS démontre qu’un autre modèle peut exister, ici et maintenant. Par la coopération, la relocalisation, la participation. Elle ne promet pas la perfection, mais ouvre un chemin. Celui d’une économie qui remet les relations, le sens et la solidarité au cœur de l’activité humaine.