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dimanche 15 juin 2025
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Et si ralentir était un acte politique ?

Ralentir n’est pas qu’une affaire de bien-être ou de gestion du stress. C’est un geste de rupture. Dans une société qui valorise la vitesse, la productivité et l’urgence, choisir un autre rythme, c’est résister. C’est réaffirmer que notre temps a de la valeur — et qu’il peut servir autre chose que la performance.

Dans les files d’attente, dans les transports, au travail ou en ligne, une même injonction : aller vite. Répondre vite. Produire vite. S’adapter vite. Dans cette course permanente, la lenteur est perçue comme une faiblesse, un luxe ou un dysfonctionnement.

Et pourtant, de plus en plus de personnes choisissent de ralentir, parfois consciemment, parfois poussées par l’épuisement. Ce n’est pas une mode ni une technique de gestion du stress, mais un refus. Une dissidence douce. Ralentir, c’est dire non — ou du moins : pas maintenant, pas comme ça.

Car dans une société où le temps est compté, monétisé, rentabilisé, reprendre la main sur son rythme, c’est reprendre du pouvoir. Celui de ne pas se laisser aspirer par les logiques d’accélération, d’hyper-connexion, d’agenda saturé. Celui de retrouver un espace pour penser, ressentir, observer, respirer.

Il y a dans la lenteur une puissance politique, car elle remet en cause les fondations du modèle dominant : croissance infinie, efficacité à tout prix, utilitarisme systématique. Elle interroge notre rapport au travail, à l’éducation, à la consommation. Elle ouvre une brèche dans un monde qui avance toujours plus vite… sans toujours savoir vers quoi.

Choisir la lenteur, c’est aussi choisir une autre qualité de relation : à soi, aux autres, au monde. Quand on ralentit, on écoute mieux. On voit ce qui nous entoure. On prend le temps de comprendre, au lieu de réagir. La lenteur crée un vide, et ce vide devient fertile. C’est là que naissent les idées justes, les liens profonds, les gestes ajustés.

Cela ne signifie pas tout arrêter, ni fuir la modernité. Il ne s’agit pas de prôner la nostalgie du passé ou une vie hors du système. Mais de retrouver des espaces de cohérence. De dire : “je ne veux pas tout faire vite, tout le temps.” De préférer la qualité à la quantité. D’inventer un autre tempo.

Certain·es le vivent dans leur quotidien : marche lente au lieu de voiture, jardinage au lieu d’écran, temps long pour cuisiner, lire, réfléchir. D’autres dans leur travail : semaine de 4 jours, télétravail repensé, coopératives à rythme humain. D’autres encore dans leurs choix de vie : moins de biens, plus de liens ; moins d’agitation, plus de présence.

Ralentir, ce n’est pas fuir les responsabilités. C’est les habiter autrement. C’est se rendre disponible au monde au lieu de le traverser en apnée. Et dans ce geste apparemment intime se cache un levier de transformation collective : celui de redéfinir ce que l’on considère comme précieux.

Dans un monde en crise climatique, sociale, mentale, ralentir devient une nécessité écologique. Car la vitesse a un coût : carbone, isolement, dépression, épuisement des corps et des écosystèmes. La lenteur, elle, pourrait bien être le début d’un soin. Individuel. Et politique.

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