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mercredi 9 juillet 2025
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Écrire au futur, depuis un présent incertain

Pourquoi nous publions cette lettre

Il y a quelques semaines, nous avons reçu ce texte d’une lectrice. Elle s’appelle Camille, elle a 35 ans, elle vit en Ariège. Dans sa lettre, elle s’adresse à elle-même — ou plutôt à la personne qu’elle sera en 2050.

Ce n’est ni un manifeste, ni un bilan. Juste un souffle. Un morceau de vie intérieure, de lucidité tranquille et de tendresse pour demain.
Chez Kaizen, nous croyons qu’imaginer l’avenir commence par l’habiter de l’intérieur, par se relier à ce qui compte, à ce que l’on veut préserver — en soi comme autour de soi.

Nous avons donc choisi de publier cette lettre dans notre rubrique “Écologie intérieure”, pour qu’elle résonne peut-être en vous, en nous.
Parce que parfois, il faut prendre le temps d’écrire au futur, simplement, pour ne pas l’oublier.


Ariège, avril 2024
Chère moi,
Chère toi, là-bas, en 2050,
Toi qui as vieilli de vingt-six ans mais que je reconnais encore dans mes gestes les plus simples. Toi qui vis, je l’espère, en paix avec ton chemin.

Je t’écris depuis une époque étrange. Un entre-deux. On sait. On sait que le monde change. Qu’il s’effondre un peu. Qu’il se transforme aussi. Mais tout vacille. Beaucoup ferment les yeux. Certains fuient. D’autres courent encore. Moi, j’apprends à rester.

Je t’écris depuis notre maison, celle qu’on a choisie. Elle est petite, en bois, elle craque un peu l’hiver. La montagne veille derrière. Il y a un poêle, une table, des livres, des graines sur l’étagère. J’essaie d’y cultiver quelque chose qui ressemble à de la constance.

Tu te souviens du moment où on a décidé de faire moins, mais mieux ?
Moins de kilomètres, moins d’écrans, moins de discours.
Et plus de mains dans la terre, de repas partagés, de temps sans but.
C’est encore balbutiant, mais ça prend racine.

J’espère qu’en 2050, tu n’as pas tout abandonné. Ni la joie, ni la colère.
Qu’il y a encore autour de toi des visages, des animaux, des cercles humains où l’on écoute vraiment. J’espère que le monde n’a pas été totalement avalé par les écrans, les algorithmes, la vitesse. Que tu as continué à défendre le vivant, même sans pancarte.

Je ne sais pas s’il reste encore des étés secs ou des forêts noircies. Mais je souhaite que tu aies appris à aimer même ce qui est brisé. À voir dans les failles ce qui résiste, ce qui se transmet.

As-tu des enfants ? Des plantes qui te survivent ? Un poème écrit à la craie sur une porte ? As-tu encore ce goût de tomate cueillie à la main, celui qui dit que tout n’est pas perdu ? Je ne te demande pas si tu as réussi. Je te demande juste si tu as continué à choisir la tendresse.

Si les choses se sont effondrées, j’espère que tu n’as pas renoncé à la beauté.
Et si elles se sont relevées autrement, j’espère que tu as su ne pas oublier d’où l’on venait.

Ici, on commence juste à comprendre.
Que vivre simplement n’est pas un retour en arrière, mais un pas de côté.
Que s’ancrer est une forme de résistance.
Que ralentir, c’est parfois tenir debout.

Alors si un jour tu me relis, là-bas, dans cette version de demain, souviens-toi :
nous avons fait de notre mieux.
Et cela, déjà, c’était quelque chose.

Avec amour,
Camille, 35 ans, Ariège

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